J’ai signé, il y a quelque temps, un article de blogue intitulé « Que devrait-on apprendre de nos enfants ? » J’y traitais de l’importance de nos enfants et du rôle qu’ils jouaient dans notre propre éducation. En devenant adultes, nous nous détournons de l’essence même de la vie et ces petits tannants ont le don de nous aider à retrouver notre candeur perdue.
Au même titre que les bambins, les aînés ont aussi beaucoup à nous enseigner. Je le dis sans ambages : les têtes grises représentent la solution à plusieurs des enjeux de notre société. Malheureusement, ce groupe d’âge, pourtant surreprésenté démographiquement, est sous-représenté dans l’espace public. J’oserais même dire, avec honte, que nous mettons carrément nos aînés au placard. Nous les cachons probablement pour nous faire oublier la plus grande fatalité de la vie : celle que nous serons tous vieux un jour. (Si tout va bien et que rien ne nous arrête en chemin…)
Trop souvent, nous entendons des opinions négatives à l’égard des baby-boomers et de leurs prédécesseurs, du genre : « Nous devons payer des taxes et des impôts astronomiques pour payer leurs services ! » C’est bien grâce à mamie et papi que nous sommes ici aujourd’hui, non?
Nous, toi et moi, représentants de la population active, pensons que nous sommes tellement meilleurs que les autres. Meilleurs que nos enfants. Meilleurs que nos parents. Nous pensons tout connaître. Pourtant…
Je vais péter ta balloune…
Qui sommes-nous pour prétendre tout connaître à 30, 35 ou même 40 ans ? Nous ne sommes pas encore au mitan de notre vie, nous ne sommes que dans le début de nos expériences d’adultes. Nous n’avons rien vécu encore.
Laissons-nous donc du temps. Pourquoi cette urgence de posséder la science infuse ? L’école de la vie ne dure pas 10, 15 ou 20 ans. On meurt souvent sans même avoir reçu son diplôme tellement la matière que nous offre la terre est vaste et complexe.
Tu dois vivre des expériences pour passer tes cours d’Humain 101. Faire tes devoirs. Observer. Prendre des risques. Sortir du cadre pour construire le tien.
Au lieu de ça, tu as sûrement fait comme la moyenne des ours, soit :
- Acheter une maison ;
- Avoir des enfants ;
- Travailler 40 heures par semaine ;
- Prendre des vacances pour aller dans le Sud ;
- Économiser pour t’acheter un chalet.
Est-ce que ces choix correspondent à ta définition de « vivre », un verbe pourtant rempli d’espoir, des promesses et d’action ? À mes yeux, tu as fait des choix d’adulte en étant encore un enfant. Tu t’es enchaîné. Tu t’es proclamé adulte en te disant que tu en savais assez et que tu étais maintenant capable de montrer à d’autres comment vivre à leur tour, dans le modèle traditionnel.
À part pour ta capacité physique et ta faculté de pouvoir te reproduire, tu es pourtant toujours un enfant. (Avec des dettes, aussi, et un peu plus de cernes…)
Non seulement nous ne connaissons rien et nous n’avons rien vécu, mais nous apprenons à nos enfants à devenir de bons adultes en étant nous-mêmes des enfants. C’est une des raisons pour laquelle notre société ne tourne pas rond. Nous sommes une bande de novices, avec seulement quelques séances d’entraînement dans le corps, qui essayons de former d’autres novices. Résultat : la ligue ne comptera jamais qu’un seul niveau. Personne ne deviendra professionnel parmi nous.
Un de nos gros problèmes est que nous ne sommes pas capables de faire la différence entre « avoir des connaissances », « les appliquer » et « les enseigner ». Ces trois choses sont complètement différentes ! Acquérir des connaissances, c’est facile ! Les vivre et les appliquer au quotidien, ça demande du temps et des expériences. Pour les enseigner, il faut de la maturité et de la sagesse. Et la sagesse s’acquiert avec le temps… et avec l’âge !
Tu me vois arriver, après ce long détour ?
L’âge d’or à la rescousse !
Dans plusieurs sociétés, comme au Japon, en Inde et en Afrique, les représentants de l’âge d’or sont perçus d’une tout autre façon. C’était aussi comme ça, ici, il n’y a pas si longtemps. Respectés et admirés, les aînés étaient au centre de tout, de l’éducation des enfants au partage des connaissances pratiques, du mentorat professionnel à l’accompagnement ménager. Deux de ces volets m’apparaissent particulièrement importants : l’éducation des enfants et le marché du travail.
L’éducation de nos enfants
À l’âge où nous sommes les plus aptes physiologiquement à avoir des enfants, nous sommes les moins aptes à les éduquer. Notre corps atteint son plus grand potentiel, mais nous n’affichons pas encore assez de maturité pour partager des connaissances riches.
C’est pendant cette même période de notre vie, entre 25 et 45 ans, que nous sommes les plus productifs au travail. C’est pourtant pendant ce pic d’énergie et de force physique que nous devrions vivre des expériences, comme :
- Faire le tour du monde ;
- Travailler à l’étranger ;
- Essayer différentes professions ;
- S’initier à plusieurs sports ;
- Multiplier les passions.
Vivre des expériences, c’est essayer de nouvelles choses. Tu es peut-être le meilleur joueur de ping-pong au monde. Oui, oui, toi ! Mais tu n’as peut-être jamais pris le temps d’essayer. Alors, tu passes à côté de ta véritable destinée. Pour savoir qui tu es vraiment, tu dois savoir qui tu n’es pas. Pour cela, tu dois vivre des expériences. Tu dois vivre. Point.
Pourquoi nos aînés n’aideraient-ils pas plus activement dans l’éducation de nos enfants pendant que nous, membres de la « population active », vivons nos expériences ? Nos enfants ont besoin d’amour et de temps. Être parent et travailler à temps plein n’est pas une mince affaire. Pendant que les jeunes professionnels courent après leur queue, plusieurs aînés ne cherchent qu’à donner de leur temps et partager leur savoir.
Je ne sous-entends pas ici qu’il faut sous-traiter l’éducation de nos enfants à nos parents, qui ont moins d’énergie que dans leurs jeunes années. Il est plutôt question de former des équipes gagnantes, qui utilisent les forces de chacun, pour élever les enfants les plus heureux qui soient. Plusieurs communautés autour du globe le font déjà, pourquoi pas nous ?
Le marché du travail
La pénurie de ressources humaines s’avère un tel fléau que plusieurs entreprises connaissent des pertes de croissance, voire des fermetures, faute de main-d’œuvre. Pourtant, il n’y a jamais eu autant d’individus sur la Terre ! Où est le problème ? Les aînés peuvent faire partie de la solution.
Plusieurs retraités, encore en grande forme physique et morale, peuvent prêter main-forte dans nos entreprises, en fournissant 15, 20 et même 25 heures de travail par semaine. Malheureusement, ils sont désavantagés d’un point de vue fiscal, s’ils le font. Alors, ils restent à la maison, ce qui peut leur créer des problèmes comme l’ennui, la dépression et la maladie. Les frais qui en découlent pour notre système sont considérables, mais ils pourraient être évités si les mamies et les papis avaient la chance de contribuer plus activement à leur société.
Plusieurs postes seraient parfaits pour eux et combleraient des besoins chez les employeurs. Des exemples :
- Mentors pour des stagiaires,
- Consultants,
- Conseillers au service à la clientèle,
- Préposés aux menus travaux,
- Peintres ou menuisiers,
- Agents de livraison ou de réception de marchandise.
Même si le monde du travail a évolué avec l’informatisation et la robotisation, il n’en demeure pas moins que l’expérience ne s’achète pas.
J’ai d’ailleurs tenté l’expérience dans mes entreprises et je confirme que la combinaison des générations donne des équipes de feu. Les jeunes motivent les plus vieux et les plus vieux rassurent les plus jeunes. Dans un monde où les plus jeunes sont hyper anxieux et stressés, la sagesse de l’expérience est la bienvenue !
Mon éditorial du jour : le gouvernement doit créer des programmes avantageux pour les deux parties, afin que notre société ressorte gagnante de ce partage.
Changeons notre état d’esprit et éliminons nos préjugés. Les jeunes, les moyens et les vieux : il y a de la place pour tout le monde. Mettons donc nos aînés en lumière, au lieu de les laisser dépérir dans l’ombre, et tirons profit de leur savoir.
Nous sommes tous citoyens de cette belle planète, soyons unis.
Hugo Dubé
Coach – Conférencier